On avait installé pour lui un petit matelas de paille dans l'antichambre.
Il y était assis bien sagement et examinait avec attention ce quil'entourait. J'étais accroupie par terre en face de lui. Il eut pour moi le même regard tranquille qu'il avait eu pour la chaise ou pour le porte-parapluie. Je faisais partie du décor. Je n'étais qu'un objet. Je devais être le plus gros des objets.
De temps en temps il bâillait, découvrant un minuscule palais rose truffé de noir. Ou bien il penchait la tête d'un air perplexe - à droite, à gauche, puis de nouveau à droite.
Ou bien encore il s'efforçait de dresser ses oreilles. L'oreille gauche obéissait faiblement. Elle se tenait en l'air quelques secondes puis retombait mollement, incapable de soutenir cet effort. L'oreille droite restait couchée misérablement en oreille d'épagneul.
Je le regardait... Puis je lui souriait...mais je n'osais pas encore lui parler.
Je pensais : "il est encore si petit !... Il y a un bien grand chemin entre nous. C'est comme une longue route qui nous sépare. Et nous sommes chacun à l'extrémité de cette route..."
"Lui, c'est un tout petit chien. Il ne peut pas me rejoindre. C'est moi qui dois aller jusqu'à lui. C'est moi qui dois le comprendre, gagner sa confiance et son amour..."
Conquérir ce qu'on aime, c'est difficile. On ne sait pas trouver les mots... oui, même lorsqu'il s'agit d'un petit chien !
J'avançai une main hésitante.
Il s'élança, exécuta une série de bonds élastiques, fit mine d'attraper ma main... et nous commençâmes à jouer.
Ce n'était peut-être pas si difficile en somme !